Article 83
POUR LA CRITIQUE DES GRANDS MOTS. - Je suis plein de méfiance et de
malice à l'égard de ce que l'on appelle l'« idéal
» : c'est là mon pessimisme d'avoir reconnu combien les «
sentiments sublimes » sont une source de malheur, c'est-à-dire
d'amoindrissement et d'abaissement pour l'homme.
On se trompe chaque fois lorsque d'un idéal on attend un «
progrès » : le triomphe d'un idéal fut, chaque fois,
jusqu'à présent un mouvement rétrograde.
Chacun peut avoir son idéal incompatible avec celui des autres.
L'idéal communiste s'oppose à la pensée libre.
L'idéal capitaliste écrase le pauvre.
Les idéaux des théocrates sont incompatibles et provoquent des
guerres.
La nature et la diversité humaine est ainsi faite qu'aucun idéal
n'est réalisable.
Un idéal pour soi-même ne peut-être qu'un objectif.
Soyons méfiants envers la ploutocratie, l'autocratie, la
théocratie et d'autres qui peuvent s'imposer temporairement.